La Bolivie dans les griffes du dragon chinois (MEDIAPART)

JEAN PIERRE LAVAUD (MEDIAPART) 2018-06-12:

Les Chinois sont de plus en plus présents en Bolivie où ils écoulent leur production industrielle et investissent leurs capitaux, principalement dans le secteur des infrastructures et de l’énergie. Ils cherchent à s’ancrer dans le pays pour s’approprier les ressources de son sous-sol au meilleur coût. Depuis 2011 la dette de la Bolivie à l’égard de son puissant créancier a été multipliée par 7,4.

Le chancelier bolivien s’affaire à préparer le voyage en Chine du président Morales qui doit être reçu par son homologue Xi Jinping  le 20 juin prochain. Les relations bilatérales entre les deux pays ont franchi un cap à partir de 2011, à la suite d’un premier voyage d’Evo Morales (il y en a eu deux autres entre temps) puis d’une visite en Bolivie du vice premier ministre chinois  Hui Liangyu. Elles ont d’abord eu un caractère commercial puis ont pris la forme d’abondants crédits et d’investissements directs d’entreprises chinoises publiques et privées. Et elles sont actuellement au beau fixe, au point que la Chine est devenue le premier pays exportateur vers la Bolivie depuis 2014 (18% du total des importations nationales)[1] et son premier pays créancier : 80% du solde de la dette bilatérale en 2017 (19% en 2011)[2].

Le symbole le plus parlant de cette coopération fut la mise en orbite, fin 2013,  du satellite de télécommunication Tupac Katari [3] financé  par un crédit de 250 millions de dollars du gouvernement populaire de Chine. Sa mise en service a drainé l’arrivée d’entreprises chinoises dans le domaine des télécommunications, notamment Huawei, qui commercialise la majorité des smartphones,  et ZTE pourvoyeur exclusif du haut débit.[4]

Mais la plus grande partie des financements chinois, notamment ceux des  banques publiques (The Export-Import Bank of China et China Development Bank) sont allés à des projets d’infrastructure (routière principalement).

Selon le Centro de Estudios para el Desarrollo Laboral y Agrario (CEDLA), en 2016, environ cent entreprises chinoises travaillaient  en Bolivie[5]. Beaucoup sont des conglomérats qui opèrent dans divers secteurs et exécutent des contrats publics soit à la suite d’adjudications,  soit le plus souvent par invitation directe.[6]

Si bien que la Bolivie accueille de plus en plus de Chinois : entre 2015 et 2017, il en est entré 28.800, soit 1.200 par mois, ou 40 par jour, alors qu’en 2005 elle recevait 500 demandes de visa par mois et en acceptait 90 en moyenne.

Le lien qui unit les deux pays est présenté comme  « une association  stratégique » égalitaire et sans imposition, par contraste avec la soumission au  « pouvoir hégémonique impérialiste des États Unis » qui, selon le gouvernement, caractérisait la période politique précédente.

Mais alors que la Bolivie exporte des matières premières vers la Chine (produits miniers, hydrocarbures, bois, ou encore aliments : soja, café, quinua, …), elle importe des produits manufacturés  à valeur ajoutée : appareils électroménagers, ordinateurs, téléphones portables, voitures, motos, textiles… Et si la Chine est devenu le premier marché d’importation du pays, elle n’est  que le cinquième importateur de produits boliviens derrière le Brésil, l’Argentine, les États Unis et la Colombie. La situation est si inégale que la balance commerciale bolivienne à l’égard de la Chine accuse un déficit de 4 milliards de dollars[7].

Par ailleurs, les crédits chinois sont accordés sous conditions : les entreprises qui opèrent en Bolivie doivent être chinoises ou dotés d’un capital majoritairement chinois  (décret suprême nº 2574 du 3  novembre 2015)[8]. Elles opèrent avec leurs matériels, leurs équipements, leur technologie et très souvent leur propre main d’œuvre. Tandis que les taux des crédits sont plus élevés que ceux des banques multilatérales : 2,9% contre 1.3% à 2.2%

Les principaux chantiers

Les mines

Les ressources minières sont particulièrement convoitées par la Chine et les entreprises chinoises sont intéressées par une vaste gamme de minerais. Si bien qu’en 2015, il fut décidé de mettre sur pied une chambre de commerce minière boliviano chinoise. Comprenant dix entreprises à sa création, elle en compte maintenant plus de quarante. De plus, il semble que des capitaux aient été investis dans des dizaines de coopératives[9].

Deux programmes méritent une attention particulière. D’abord, l’exploitation du minerai de fer du gisement du Mutún[10] (quatrième réserve mondiale de minerai de fer) concédé en janvier 2016 à l’entreprise Sinosteel. Incluant la construction d’une usine sidérurgique le contrat se monte à 460 millions de dollars. Il est financé par la China Export–Import Bank.

Et en second lieu l’ensemble des contrats d’exploitation des sels des salines de l’altiplano, dont le lithium – la plus grande réserve mondiale connue –particulièrement convoité en raison de son usage dans les batteries. Un premier contrat fut signé en septembre 2012 avec l’entreprise Citic Guan pour un projet pilote d’extraction du lithium du salar de Coipasa, puis en 2013 un second contrat fut passé avec la firme Linyi Gelon New Battery Materials Company pour construire une usine de production de lithium sur ce même site. En août 2016, la Chine a reçu un premier chargement de  9,3 tonnes de carbonate de lithium, achetés par la Machinery  Engineering Corporation de Chine à un prix nettement inférieur à celui du marché.

Et enfin, en juillet 2015, la compagnie CAMC engineering a obtenu un contrat pour construire une usine d’extraction et de concentration du chlorure de potassium du salar d’Uyuni. Certes, les résultats sont encore minimes mais la Chine est admirablement placée pour bénéficier à l’avenir de ces immenses réserves stratégiques[11].

Des entreprises chinoises extraient aussi du minerai de cuivre (Turco, Oruro) qui sera bientôt acheminé vers une fonderie  construite à Uyuni par la transnationale China Natural Resources [12], de l’or (Mayaya, La Paz) et du zinc : deux usines de concentration de minerai sont programmées à Oruro et Potosi . Elles seront construites par la Chinese company Henan Yuguang  et financées par la Bank of China[13].

Les infrastructures routières

En octobre 2015 la Bolivie  annonçait  un ensemble de prêts chinois pour une valeur de 7500 millions de dollars principalement destinés à l’intégration de l’Amazonie au reste du pays et à des projets de barrages hydroélectriques ; des projets stratégiques inscrits dans le plan de développement 2016-2020 et dans l’Agenda patriotique 2025. [14]

Parmi ces grands axes routiers on retiendra les routes Rurrenabaque–Riberalta dans le  Beni, et Porvenir–Puerto Rico dans le Pando à la charge de l’entreprise chinoise Railway Construction. Ils incluent des dizaines d’ouvrages d’art dont plusieurs ponts d’envergure à la charge de Harzone industry corporación ; celui qui unit Rurrenabaque à San Buenaventura est construit par SINOPEC. Ces chantiers ont débuté en 2016.

La double voie El Sillar qui doit amener une solution définitive aux problèmes d’instabilité d’un tronçon de l’axe routier est-ouest le plus emprunté du pays entre le département de Cochabamba et celui de Santa Cruz  a été attribuée à l’entreprise  chinoise Sinohydro Corporation Limited, en octobre 2015 pour un montant de 426 millions de dollars. Les travaux devraient débuter cette année.

Trois autres grands axes routiers projetés font partie du financement :  Charazani-Apolo-Tumupasa-Ixiamas-Chivé-Porvenir, qui devrait concrétiser le grand rêve d’intégration du département de La Paz et de celui du Pando ; Trinidad-San Ramón-La Moroña et Guayaramerín dans le Beni, et Santa Rosa de la Roca-Puerto Villazón et  Remanzos dans le nord du département de Santa Cruz.[15]

Et d’autres projets de moindre envergure dépendent aussi de prêts chinois. Comme le note  un article de septembre 2017,  fondé sur un rapport détaillé de l’Administradora Boliviana de Carreteras (ABC): la mise en œuvre du réseau routier bolivien «dépend fondamentalement des financements chinois et en conséquence de ses propres entreprises de travaux publics.»[16]

Le financement d’autres projets d’envergure est en cours de négociation, notamment l’agrandissement de l’aéroport international Viru Viru de Santa Cruz ou encore la partie bolivienne du train bi-océanique qui doit relier l’océan Atlantique à l’océan Pacifique pour lequel trois banques chinoises se sont montré intéressées. [17]

Les centrales hydroélectriques

L’objectif du gouvernement est de multiplier par huit la quantité d’électricité produite dans le pays entre 2015 (1600MW) et 2025 (13 382 mégawatts). Il veut faire de la Bolivie le cœur énergétique du continent sud-américain et cette production est donc majoritairement destinée à l’exportation, car la demande nationale tournera alors aux alentours de 3000MW.

Pour arriver à une telle production, il envisage la construction de centrales géantes : El Chepete, El Bala et Cachuela Esperanza sur le río Beni (pour lequel un crédit chinois de 7 milliards de dollars est envisagé) , le barrage binational entre la Bolivie et le Brésil situé sur le  rio Madera, et le complexe hydroeléctrique du Río Grande-Rositas comprenant les  barrages de Seripona, Jatun Pampa, Cañahuecal, Las Juntas, Ocampo, Peña Blanca, La Pesca et  Rositas (crédit chinois prévu : 1milliard de dollars), tous actuellement en phase d’étude.

La centrale hydroélectrique  San José 1 (55mw), construite par la société d’ingénierie  Sinohydro Corporation Limited dans la province du Chaparé (Cochabamba), a été inaugurée en janvier dernier. La seconde phase San José 2 (69mw) construite par la même entreprise devrait être livrée en fin d’année.

En août 2017, Sinohydro  s’est aussi adjugé la construction du barrage de la  centrale hydroélectrique Ivirizu dans la province  Carrasco du département de Cochabamba pour 190 millions de dollars. C’est le premier contrat d’un ensemble de cinq. La centrale, qui devrait être achevée dans quatre ans, est prévue pour produire 279,9 mégawatts.[18]

 L’exploration pétrolière

Bien sûr les entreprises chinoises ne pouvaient pas ignorer les ressources du pays en hydrocarbures. En 2015 la compagnie nationalisée Yacimientos Petrolíferos Fiscales Bolivianos (YPFB) a passé contrat avec SINOPEC et BGP,  une succursale de la China National Petroleum Company, en vue d’explorer les ressources du bassin amazonien dans le bassin du rio Madre de Dios, pour un montant qui avoisine 100 millions de dollars[19]

Puis en avril 2017  YPFB a signé un contrat avec SINOPEC pour explorer les réserves de gaz dans le Chaco, dans la région de Tariquia et de San Telmo.

 

Les conflits et la corruption

C’est au moment du scandale du vrai/faux enfant du couple d’amants Evo Morales – Gabriela Zapata que la plupart des boliviens ont découvert l’ampleur des liens du pays avec la Chine et les agiotages et tripotages auxquels ils conduisaient. On se souvient en effet que le président fut soupçonné de trafic d’influence parce que son amante occupait le poste de gérante commerciale d’une entreprise chinoise, la CAMC Engineering, qui avait passé pour plus de 560 millions de contrats avec l’État bolivien[20].  Sur sept contrats, six l’avaient été sans adjudication. Le contrat pour la construction du premier tronçon de la ligne de chemin de fer Bulo Bulo -Montero a dû être annulé ; les équipements de perforations achetés par l’entreprise publique Yacimientos Petrolíferos Fiscales Bolivianos (YPFB) se sont avérés inutilisables ; la construction du complexe hydroélectrique et d’approvisionnement en eau de la ville de Cochabamba  (Misicuni) a accumulé les retards ; la sucrerie de San Buenaventura (département de La Paz)  tourne à minima car, finalement, la zone est peu propice à la culture de la canne à sucre[21].

Les scandales se succèdent les uns aux autres dans tout le secteur public en relation avec les prestataires chinois. L’armée n’y échappe pas. Elle utilise du matériel chinois depuis plusieurs décades, notamment des avions de chasse et de transport, des hélicoptères et des blindés.  Pendant les mandats d’Evo Morales elle s’est notamment achetée  deux avions en 2007,  l’équipement d’un bataillon du génie en 2010, puis six hélicoptères en 2011, grâce à des prêts de l’Eximbank-China.

L’équipement du  bataillon du génie acheté en 2010 est allé à la Empresa de Construccion del Ejército (ECE). Celle-ci a fait faillite et a été fermée en 2015. Si bien qu’en plus des 44 millions de dollars qui doivent servir à rembourser le prêt chinois, l’entreprise a laissé trois chantiers de construction inachevés pour une valeur de 97 millions de dollars[22].

En 2010, la marine avait passé commande de 16 péniches (barges) et deux remorqueurs destinés à transporter les minerais de fer extraits du gisement du Mutún sur le canal Tamengo et la voie fluviale Paraguay-Paraná qui, à la suite de manœuvres douteuses et de malversations sont toujours retenues en Chine[23].

Pendant les présidences antérieures à celle d’Evo Morales le service qui administre le réseau routier (Administradora Boliviana de Carreteras (ABC)),  était le plus grand investisseur du secteur public et le lieu de grandes affaires de corruption. Ses responsables s’engraissaient de commissions juteuses, si bien que les gouvernements antérieurs avaient pour coutume de négocier ou renégocier les contrats de construction ou d’entretien des routes en changeant de prestataire de service. C’est ainsi que le Mouvement nationaliste révolutionnaire (MNR) travaillait avec l’entreprise brésilienne Andrade Gutiérrez S.A., le Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR) avec l’entreprise brésilienne Queiroz Galvao et qu’au début de son mandat Evo Morales avait favorisé l’entreprise OAS S.A. dans laquelle la famille de Lula avait des intérêts et qui aurait financé pour partie sa campagne électorale[24]. Mais par la suite, on l’a vu – et tandis que les scandales de corruption se multipliaient au Brésil jusqu’à entraîner la chute de Lula et de Dilma Roussef – les entreprises chinoises ont pris le relais et l’engouement des autorités boliviennes à leur égard est visiblement lié aux profits qu’ils tirent des dessous de table de contrats souvent opaques.

Selon les chiffres de l’administration bolivienne (ABC)  entre 1998 et 2005 on a investi 1.056 millions de dollars pour construire 1.098 kilomètres de routes, soit un coût de 962 mille dollars par kilomètre, tandis qu’entre 2006 et décembre 2017 l’investissement a grimpé à 6.814 millions de dollars pour 5.004 kilomètres de routes, soit au coût d’un million 362 mille dollars par kilomètre. Autrement dit, le coût du kilomètre a grimpé de plus de 40% pendant le gouvernement « du changement » d’Evo Morales.[25] L’incurie et la corruption de l’administration bolivienne et l’astuce et les manquements des entrepreneurs chinois coûtent cher au contribuable bolivien, et ils lui coûteront beaucoup plus cher encore à l’avenir.

Au surplus, les entrepreneurs chinois semblent  se soucier comme d’une guigne des lois et règlements boliviens en matière de travail. Elles agissent comme en Chine et, dans certains cas, emploient plus de Chinois que de Boliviens, notamment dans le département du Pando. Les ouvriers se plaignent d’une série d’abus : salaires inférieurs au salaire minimum garanti, surtravail (journées de 10 à 12 heures), violences, mauvaise alimentation, absence de vêtements appropriés, absence de sécurité sociale, licenciements abusifs… C’est notamment le cas de l’entreprise Sinohydro qui construit la route Ivirgarzama-Ichilo et la centrale hydroélectrique  San José.  Sur ces deux chantiers  les réclamations non satisfaites des ouvriers ont abouti à des grèves prolongées[26] . C’est aussi le cas de SINOPEC qui construit le tronçon Ichilo -Yapacaní paralysé par une grève de la faim en janvier dernier, ou encore de China Railway, qui ouvre  la route Rurrenabaque-Riberalta anathémisée par les ouvriers boliviens pour des agressions physiques, des violences psychologiques et le non-respect du droit du travail.[27] Pas plus les manquements de ces entreprises que les protestations ouvrières  ne semblent émouvoir  le ministère du Travail, pourtant chargé de faire respecter la loi.

Par ailleurs, selon l’article 3 de Ley General del Trabajo les entreprises nationales et étrangères ne doivent pas avoir plus de 15% de personnel étranger, or il y en aurait plus de 35% dans les entreprises chinoises.[28]

Diverses entreprises emploieraient même des prisonniers chinois dans des conditions de « semi esclavage » : la Sociedad Accidental[29] CCCC, Harbour Engineering Company et Harzone dont la quasi-totalité des ouvriers seraient chinois.[30]

Les entreprises chinoises sont aussi coupables de nombreux dégâts environnementaux.  SINOPEC chargée du tronçon routier Ichilo-Yapacaní (Santa Cruz) contamine la rivière voisine avec les débris  de sa construction. Il en va de même à Rurrenabaque  où elle construit le pont sur le rio Beni qui relie la ville à San Buenaventura[31].  Elle ne respecte pas plus les normes environnementales  pour procéder à l’exploration sismique 2D “San Telmo” à Bermejo (département de Tarija)[32]. Elle les bafoue encore avec BGP (une filiale de l’entreprise publique chinoise  National Petroleum Corporation (CNPC), lors de sa recherche d’hydrocarbures – toujours par secousses sismiques – dans les réserves protégées et les territoires indigènes amazoniens. Ce saccage a suscité l’indignation et la protestation des autochtones, d’autant qu’il a perturbé la vie d’indigènes vivant en isolement volontaire[33].

Lors de la sécheresse de 2016 qui a causé une pénurie d’eau prolongée à La Paz  86 communautés paysannes des alentours se sont déclarées en alerte en raison de la captation de l’eau par des compagnies minières exploitant l’or illégalement au pied du massif montagneux de l’Illimani[34]. Au même moment, l’ONG Forum on Environment and Development  (FOBOMADE) faisait état de l’exploitation minière illicite de groupes chinois au sein du parc national protégé Madidi [35].

À ces diverses dégradations, il faut encore ajouter les trafics d’animaux de la faune sauvage  d’Amazonie.  Les jaguars sont particulièrement traqués et exterminés pour s’approprier leurs crocs qui sont appréciés par les chinois  comme symbole de statut et en raison de la croyance en leur vertu protectrice.  Toutes les pièces saisies de 2014 à 2017 avaient la Chine pour destination et avaient pour la plupart été envoyées par des chinois résidant en Bolivie[36].

 

Conclusion 

Jusqu’en 2011, le Venezuela était le principal créancier du pays. La Bolivie bénéficiait des largesses d’Hugo Chávez qui utilisait l’argent tiré des exportations d’hydrocarbures pour faire triompher sa vision géopolitique bolivarienne.  La maladie puis le décès d’Hugo Chávez, et plus encore  l’effondrement des prix mondiaux des hydrocarbures, ont tari ce flux financier.

La Chine a pris le relais en  offrant d’abord quelques crédits à bas coût, puis en s’installant rapidement au cœur de l’économie bolivienne. Dans cette relation fortement asymétrique elle a imposé ses règles, selon ses propres intérêts. Les questions environnementales ou  le respect des droits de l’homme et de la démocratie lui importent peu du moment qu’elle fait ses affaires. Elle s’est donc calée sans problème dans les objectifs du plan de développement d’Evo Morales, dont elle est devenue un des principaux exécutants, particulièrement en Amazonie où ses chantiers routiers avancent très vite et où il est projeté  d’installer des industries extractives (mines, hydrocarbures), des barrages géants et des complexes agroindustriels de mono culture  (canne à sucre, soja, palmier à huile…), ou d’élevage.

Finalement, le gouvernement chinois  cautionne, perpétue et même accentue l’économie de prédation et d’extraction du régime bolivien et il accroît sa dette extérieure, et donc sa dépendance. En réalité la Bolivie, tout en clamant haut et fort son émancipation à l’égard de « « l’impérialisme yankee », s’est littéralement vendue à l’impérialisme chinois.

Cependant, la Bolivie n’est pas le seul pays d’Amérique du Sud à se tourner vers la Chine. Le Brésil, le Chili et le Pérou dont les économies sont bien plus puissantes que celle de la Bolivie en ont fait leur principal partenaire commercial et se trouvent, eux aussi, dans la situation d’exporter des matières premières et d’importer des biens manufacturés. Et que dire du Venezuela qui a contracté une dette de 70 milliards de dollars à son égard et la règle par l’envoi quotidien de barils de pétrole (700 000 en 2017)?  Une dette qu’il a de plus en plus de difficultés à honorer du fait que sa production d’hydrocarbures a chuté de 33% en un an en raison de la vétusté des installations et de l’incurie, de la corruption et du parasitisme qui gangrène la gestion de l’entreprise nationale PDVSA, si bien que depuis l’an dernier la Chine a cessé de lui accorder des prêts[37]. Et on voit mal le colosse asiatique condamner cette dette.  Selon l’experte Margaret Myers, la Chine fera tout son possible pour que les contrats soient respectés : «  Son objectif est de maintenir intacte son influence sur le secteur pétrolier du pays, quel que soit l’occupant du pouvoir dans les années qui viennent ». Autrement dit, une grande partie des hydrocarbures vénézuéliens sont maintenant préemptés par la Chine[38]. A bon entendeur, salut !

 LEA LA NOTA EN :https://blogs.mediapart.fr/jean-pierre-lavaud/blog/120618/la-bolivie-da…